Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Julian Dupraz, Directeur des Services d’Evian Thonon Gaillard FC, au sujet de la stratégie commerciale du club haut-savoyard. Au cours de cette interview, nous avons notamment abordé les facteurs qui contribuent aux succès commerciaux de l’ETG FC. Pénétrez dans les coulisses d’un club qui cherche à grandir pas à pas sans bruler les étapes.
M. Dupraz, pouvez-vous nous présenter votre nouvelle fonction au sein de l’ETG FC ?
Au 1er juillet 2014, j’ai été nommé directeur des services au sein de l’ETG FC. Auparavant, j’étais Directeur de la communication au sein du club. Désormais, j’assure la direction générale de l’entreprise concernant la partie administrative. Je suis sous la responsabilité directe du PDG et j’encadre l’ensemble des salariés administratifs ce qui représente environ une quarantaine de collaborateurs.
Qui s’occupe des accords de partenariat/sponsoring au sein du club ?
Récemment, nous avons décidé d’internaliser l’ensemble de notre fonctionnement. Avant, nous travaillions avec une agence qui était une filiale du club et que nous avons cédée. Je trouvais personnellement inconcevable d’avoir nos commerciaux qui travaillaient à 80 kilomètres de nos locaux. Avec cette internalisation, les équipes commerciales partagent désormais plus facilement notre point de vue et notre message. Cela donne de la cohérence à nos actions.
Le service commercial et marketing est aujourd’hui dirigé par Erick Garcia. Il s’agit désormais de l’un de nos pôles les plus importants. Nous avons alors opéré un rapprochement de toutes les structures du club et Erick a ainsi impulsé un véritable regard marketing tout en poursuivant le développement commercial du club.
Avec ce fonctionnement, nous cherchons à apporter une véritable valeur ajoutée à nos partenaires. Nous ne sommes plus dans un fonctionnement primaire où l’annonceur achète juste une publicité pour communiquer. Nous construisons de véritables stratégies marketing via notamment des activations quasi-quotidiennes avec nos partenaires commerciaux.
Comment est structuré le service ?
Sous la responsabilité d’Erick, nous retrouvons deux chargés de développement, un chargé de marketing, une assistante commerciale, un responsable des espaces VIP et enfin un collaborateur qui est en charge de toute l’assistance logistique et panneautique au stade.
Quels sont les arguments mis en avant par l’ETG FC pour dénicher de nouveaux partenaires commerciaux ?
Tout d’abord, l’ancrage local est très important pour nous. Nos chargés de développement commercial ont notamment maillé le territoire haut-savoyard afin de mener un travail de recrutement efficace. Nos offres d’hospitalités sont un de nos produits commerciaux phares. Nous commercialisons un petit millier de places VIP par rencontre disputée à domicile. Ce sont donc des clients essentiellement locaux qui peuvent se déplacer au Parc des Sports d’Annecy. D’où l’importance de notre ancrage local.
L’ancrage local s’inscrit également dans la volonté du club d’incarner une identité savoyarde affirmée. Au-delà du football, je répète à mes équipes qu’ils doivent vendre également un territoire. Nous avons la chance d’évoluer au sein d’une belle région, attractive avec notamment la ville d’Annecy, le lac, les montagnes. Il est alors important de mettre l’accent sur les qualités et l’identité de ce territoire.
Ensuite, concernant nos sponsors majeurs, nous travaillons avec des marques à dimension nationale grâce à la Ligue 1 qui nous fait bénéficier d’une forte exposition médiatique à travers tout le pays.
Etes-vous en concurrence avec l’Olympique Lyonnais et l’AS Saint-Etienne concernant le recrutement de partenaires commerciaux locaux ?
Non, pas du tout. Nous n’avons pas la prétention d’être en concurrence avec l’AS Saint-Etienne ou l’Olympique Lyonnais. On parle de deux clubs prestigieux qui possèdent un gros palmarès.
De notre côté, nous poursuivons notre croissance. Nous sommes sur une offre différente. Nous construisons plutôt un projet familial au sein duquel nous cherchons à porter des valeurs différentes. Nous prouvons qu’avec des moyens modestes, nous parvenons à nous maintenir en Ligue 1. Notre objectif est de nous maintenir une 4ème année consécutive. Et ce discours ne constitue pas un manque d’ambition. Nous sommes juste conscients que nous devons construire pas à pas notre club.
Enfin, par rapport à Lyon ou à Saint-Etienne, nous bénéficions d’une médiatisation moindre mais nous proposons des tarifs beaucoup plus attractifs. Grâce à Evian TG, il est possible de communiquer sur la Ligue 1 à des prix abordables. C’est également un élément différenciant pour l’ETG FC.
Dans le contexte économique actuel, est-ce difficile pour l’ETG FC de recruter de nouveaux partenaires ?
Clairement, le contexte économique est actuellement difficile. Et le secteur du sponsoring en souffre. C’est pour cela qu’il a fallu repenser notre offre en travaillant sur les axes marketing qui proposent une véritable valeur ajoutée à nos partenaires.
Malgré nos infrastructures à Annecy, nous avons développé une qualité d’accueil exceptionnelle auprès de nos partenaires commerciaux au sein de notre enceinte. Les gens s’y sentent bien. Les repas sont confectionnés par un chef étoilé. La qualité de nos prestations est un élément de séduction pour dénicher de nouveaux partenaires.
Le retrait de Danone concernant ses activités de sponsoring de l’équipe professionnelle a-t-il été un moment compliqué à gérer pour le club?
Tout d’abord, Danone est toujours engagé au club jusqu’en 2017 sur la partie centre de formation et association. Le retrait de son activité de sponsoring de l’équipe professionnelle représentait alors un manque à gagner d’environ 1,5 M€ pour le club.
Mais nos équipes ont très bien travaillé pour trouver rapidement un remplaçant à Danone. Avec notamment l’arrivée de MSC Croisières, nous allons réaliser au cours de la saison 2014-15 un chiffre d’affaires de sponsoring équivalent aux saisons précédentes.
En plus d’avoir trouvé un remplaçant à Danone, nous sommes parvenus également à sécuriser nos revenus de sponsoring maillot sur la durée. Les emplacements sur notre tenue sont vendus pour les trois prochaines saisons. Nos nouveaux partenaires ont décidé de s’engager sur la durée avec l’ETG FC. Cette donnée valide pleinement notre réorientation stratégique.
Comment expliquez-vous la position du club dans le top 10 de Ligue 1 des revenus de sponsoring ? (ndlr : 7ème lors de la saison 2012-13 avec 8,7 M€ de revenus sponsoring d’après la LFP)
Déjà, nous nous situons dans une région qui est en avance économiquement. Les deux départements savoyards résistent mieux à la crise que la moyenne nationale. Cela se ressent notamment sur les chiffres du chômage et également sur les revenus moyens des ménages.
Après, au club, nous sommes actuellement dans une véritable phase d’ascension sportive. Malgré le fait que nous soyons un club jeune, nous sommes parvenus dernièrement à jouer une finale de Coupe de France et à nous maintenir trois fois consécutivement en Ligue 1. Nous avons connu également une excellente première année en Ligue 1 en accrochant la 9ème place. Le dénouement de la saison dernière– avec un match décisif pour le maintien contre Sochaux lors de la dernière journée – a également contribué à accroître la notoriété du club. Cette dynamique sportive suscite l’intérêt des annonceurs.
Comment avez-vous eu l’idée d’initier le sponsoring chaussette en Ligue 1 ?
Pour mener à bien cette opération, nous nous sommes associés à une société qui s’appelle SponsorLive. Cette société commercialise les espaces publicitaires des clubs de football professionnel sur une plateforme digitale.
Nous avons alors décidé de mettre en vente un espace commercial sur nos chaussettes et la société Brake a souscrit à cette offre. Au-delà de l’opération financière, il s’agit d’un coup médiatique réussi. La vente inédite de cet espace a suscité beaucoup de buzz autour du club et de notre partenaire Brake. Ce genre d’opération innovante contribue à donner à l’ETG FC l’image d’un club à part.
Allez-vous renouveler ce type d’opérations inédites à l’avenir ?
Au-delà du pôle marketing, nous avons également mis en place au sein du club un service événements. Deux personnes à temps plein composent ce service. Avec le pôle commercial et marketing, ce service contribue à la création d’événements permettant d’activer nos partenariats commerciaux.
Ainsi, lors de notre rencontre face à l’Olympique de Marseille, nous avions monté une opération canapé avec notre partenaire Meubles Desbiolles. Par le biais d’un quizz, les supporters pouvaient remporter une expérience unique : assister à la rencontre au sein d’un canapé disposé au bord de la pelouse du Parc des Sports. Nous envisageons également de monter une opération spa lors de l’un de nos derniers matchs de la saison au Parc des Sports avec un de nos partenaires.
Nous essayons sans cesse d’innover afin d’activer nos partenariats et d’apporter une vraie valeur ajoutée à nos sponsors. Mais cela passe par le travail d’une équipe soudée : il faut être bien staffé et entouré pour pouvoir concrétiser nos idées.
N’avez-vous pas peur de dévaloriser vos espaces classiques de sponsoring en créant de nouveaux dispositifs ?
Evidemment, il faut toujours être vigilant. Mais pour le moment, nous développons plus des espaces complémentaires plutôt que concurrentiels. L’impact d’un sponsor maillot restera toujours bien supérieur à une opération canapé au bord du terrain. Avec MSC Croisières, nous sommes sur un plan de communication national. Même lors des activations, nous proposons des mécaniques à portée nationale avec notamment la possibilité de gagner des croisières. Nous avons aujourd’hui une bonne complémentarité entre nos espaces commerciaux à dimension nationale et locale avec des dispositifs différents.
Néanmoins, pour tout type de partenariat, nous cherchons à proposer des idées novatrices d’activations.
Quelles sont les perspectives concernant les revenus commerciaux du club ?
Le but est bien évidemment de développer le chiffre d’affaires pour les années à venir. Après, la question concerne surtout les moyens que nous allons mettre en place.
Aujourd’hui, nous pensons notamment que la croissance du club passe par une modernisation des infrastructures et notamment du stade que nous exploitons. Actuellement, nous travaillons avec la ville d’Annecy sur un projet de rénovation du Parc des Sports. Début février, nous avons une réunion pour avancer concrètement sur le dossier. Le projet étudié de rénovation permettrait de porter la capacité du stade à environ 20 000 places assises.
Pourquoi, selon vous, les revenus de sponsoring ont-ils stagné en Ligue 1 au cours des dernières années ? La crise économique est-elle la seule responsable de cette situation ?
En France, nous avons un retard important concernant nos infrastructures par rapport à certains voisins européens. Grâce à l’organisation de l’Euro 2016, ce retard va être comblé avec la livraison progressive des nouveaux stades avec déjà les exemples de Lille ou encore de Nice.
Après, indirectement, la pression fiscale ralentit le développement de l’économie footballistique en France. Par rapport à nos voisins européens, nous supportons une fiscalité bien plus forte qui nuit considérablement à notre capacité d’investissements. Différentes études, menées notamment par l’UCPF, mettent en lumière le coût fiscal additionnel supporté par les clubs professionnels français par rapport à nos rivaux à l’échelle continentale.
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