Dans la cadre de sa présence au Soccerex, Ecofoot.fr inaugure une série d’interviews exclusives des participants à l’événement. Cette semaine, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Alain Belsoeur au sujet de ses différentes missions. Changement actionnarial au HAC, stratégie d’exploitation des nouvelles enceintes françaises, intérêt d’une présence au Soccerex, conflits au sein de la gouvernance du football français… Alain Belsoeur n’a éludé aucun sujet d’actualité entourant ses diverses activités dans le secteur footballistique.
M. Belsoeur, pouvez-vous présenter votre parcours footballistique aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?
Je suis entré très jeune au HAC, quand j’étais encore étudiant au début des années 70. A l’époque, le club avait perdu son statut professionnel et je lui donnais un coup de main pour organiser un tournoi junior international. Après avoir collaboré à temps partiel durant plusieurs années, j’ai intégré réellement la direction du HAC en 1978 avec l’arrivée à sa tête de Jean-Pierre Hureau. J’ai travaillé sous sa direction durant 22 ans. Nous avons contribué ensemble à la professionnalisation du HAC avec des montées successives en D2 et en D1. Nous avons même connu entre 1991 et 2000 la plus longue période du club au sein de l’élite du football français. Nous avons œuvré également pour doter le club de bonnes infrastructures avec l’inauguration du centre de formation en 1984 et le centre technique en 1999 où se trouve toujours actuellement le siège de la SASP.
Jean-Pierre Louvel a repris le club en 2000 et je suis resté dirigeant de la SASP qui a été créée dans la foulée de la loi Buffet. J’ai consacré la plupart de mes années sous la présidence Louvel à la conception et à la construction du Stade Océane. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs stades dans sa catégorie à travers le monde. J’ai quitté le HAC en 2012 et je viens d’y revenir en tant que conseiller du nouveau président Vincent Volpe.
Parallèlement à mes activités au HAC, je me suis engagé dès le début des années 80 au SNAAF (Syndicat National des Administratifs et Assimilés du Football). J’en suis devenu le président en 2006. Dans le cadre de cette activité, nous avons créé en 2010 l’Union des Acteurs du Football (UAF) qui rassemble l’ensemble des associations représentatives des différents acteurs (joueurs, entraineurs, arbitres, médecins…). J’en assume aussi toujours la présidence à l’heure qu’il est.
Et puis, en 1984, j’ai été sollicité pour la réalisation des missions de la Commission Nationale de Contrôle de Gestion qui deviendra par la suite la DNCG. Je continue aujourd’hui d’y siéger en tant que secrétaire général de l’organe.
Plus récemment, j’ai participé à la création du comité stratégique stade au sein de la LFP. Créé en 2013, j’occupe actuellement la fonction de président de ce comité. Nous avions besoin de ce type de structure car un grand nombre de stades sont construits ou rénovés dans l’optique de l’Euro 2016. Cette structure a notamment pour but de ne pas réitérer les erreurs commises lors de l’organisation de la Coupe du Monde 1998. Notre principale mission est de changer la modèle économique des clubs français en le faisant reposer beaucoup plus sur les activités liées à l’exploitation de leur enceinte.
Votre présence à Soccerex est-elle due à votre rôle de conseiller du président du HAC ou à celui de président du comité stratégique stade de la LFP ?
Les organisateurs m’ont sollicité en tant que président du comité stratégique stade de la LFP. Je vais expliquer aux auditeurs ce que nous avons mis en place depuis maintenant 2 ans et demi. Nous souhaitons montrer qu’il y aura un avant et un après en termes d’exploitation des stades à la suite de l’organisation de l’Euro 2016.
Mon intervention aura lieu sous la forme d’une table ronde. Seront également présents comme interlocuteurs le responsable du développement économique de la LFP et le chef de cabinet du président de la FFF. Ils exposeront également leur vision de l’Euro 2016 concernant leurs univers respectifs.
Pourquoi participez-vous à ce type d’événement ?
« Je regrette toujours de croiser assez peu de Français lors de ce type d’événements »
Il faut absolument s’ouvrir sur l’extérieur. Le secteur footballistique français est trop centré sur lui-même. Nous ne regardons pas assez ce qui fonctionne à l’international. Bien évidemment, il ne s’agit pas de copier. Mais il s’agit de s’inspirer en examinant ce qui se fait de mieux aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre… Et nous pouvons transposer un certain nombre de bonnes pratiques.
Je vais prendre un exemple dans la restauration. Il y a quelques dizaines d’années, on disait que les chaines de fast food ne fonctionneraient pas en France. Et aujourd’hui, la France est le premier marché de McDonald’s. Pour le football, c’est la même chose. Il faut importer ce qui marche ailleurs. Et il faut donc aller aux conférences et aux congrès internationaux pour rencontrer des intervenants venant de différents horizons. Et je regrette toujours de croiser assez peu de Français lors de ce type d’événements. C’est vraiment décevant.
Vous basez-vous sur les expériences internationales pour construire vos actions au sein du comité stratégique stade de la LFP ?
C’est complètement la base de notre réflexion et de ce que nous mettons en place actuellement. Je souligne souvent lors de mes présentations le modèle allemand. Au début des années 2 000, les affluences étaient proches entre la France et l’Allemagne. Alors qu’aujourd’hui, nous nous situons toujours entre 20 et 22 000 spectateurs de moyenne par match en Ligue 1 alors que la Bundesliga a dépassé la barre des 43 000 spectateurs !
Pour moi, l’exemple allemand est le modèle vertueux. C’est celui vers lequel il faut se diriger. Mais cela demande beaucoup de travail. En France, nous avons pendant trop longtemps pensé que nos stades étaient vides et que c’était inévitable. Et puis, nous nous apercevons aujourd’hui, notamment avec l’exemple du PSG, que nous pouvons agir sur notre taux de remplissage avec des compétences et techniques adaptées. Il faut moderniser notre approche.
En France, on fait venir dans nos stades les fans de football. Mais les fans de football viendront toujours au stade peu importe les conditions ! Nous avons besoin de capter d’autres publics. Il faut leur donner l’envie de venir et surtout de revenir.
Pourquoi un changement actionnarial est intervenu cet été au HAC ? Quelles sont les motivations de Vincent Volpe d’investir dans le club havrais ?
« C’est un projet de Havrais pour les Havrais »
La situation économique du club nécessitait un changement actionnarial. Lors des derniers mois, il y a eu un certain nombre de projets qui n’ont pas abouti. Celui de Vincent Volpe a l’avantage d’être un projet avant tout havrais et citoyen.
Vincent Volpe est certes de nationalité américaine mais il réside au Havre depuis une vingtaine d’années. Il a été longtemps le directeur de l’usine du Havre de Dresser-Rand avant de devenir PDG monde du groupe. L’apport du HAC à la communauté havraise tant au plan économique, social ou encore d’image, a profondément séduit Vincent Volpe. C’est un projet de Havrais pour les Havrais.
Quelles sont les ambitions sportives du HAC avec ce changement actionnarial ?
Les ambitions sportives du HAC sont assez claires : c’est l’accession à la Ligue 1 le plus tôt possible. Si cela peut être à la fin de cette saison, c’est l’idéal. Vincent Volpe veut développer le club et l’activité qui en découle. Pour atteindre cet objectif, il faut nécessairement monter en L1.
Le HAC a continué à afficher des pertes opérationnelles lors des dernières saisons malgré la livraison du stade Océane. Cet outil permettra-t-il au club d’atteindre l’équilibre budgétaire une fois la montée en Ligue 1 acquise ?
C’est évidemment l’objectif. Le Stade Océane est l’une des seules enceintes en France qui est opérée à 100% par son club résident. C’est un gros atout pour nous. Cet atout, il faut le développer. C’est vrai qu’une accession en Ligue 1 permettrait de mieux exploiter ce nouvel outil. Donc ça nous donne un argument de plus pour monter en L1 le plus tôt possible.
Êtes-vous pour des modifications de la gouvernance du football professionnel français ?
Dans la semaine, un excellent éditorial a été publié dans L’Equipe par Vincent Duluc au sujet de cette question. Je vais donc le citer : « Un troc de couloir qui rappelle qu’il ne faut pas confier l’avenir du football français à des présidents de passage qui, pour certains, paradent avec l’argent des autres. » Je pense que la référence aux « présidents de passage » est un point important. Ces dernières années, le turnover des présidents a été assez fort au niveau des clubs professionnels français. Dans ce contexte actuel, cela ne nous parait pas sage de confier la direction de la LFP uniquement à des présidents de club. Aujourd’hui, les différentes familles du football représentées à la Ligue garantissent une forme de constance dans les actions prises.