Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Clément Barouillet, consultant chez Two Circles, société spécialisée dans le marketing sportif via l’exploitation de données clients. Au cours de cet entretien, nous avons évoqué les évolutions du secteur appliquées à l’industrie footballistique tout en revenant sur certaines problématiques spécifiques liées à la billetterie sportive.
Clément, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?
Je suis originaire du Sud-Ouest de la France et j’ai fait mes études dans l’Ouest où j’ai obtenu un double diplôme ingénieur-manager à l’INSA de Rennes et AUDENCIA Nantes. J’ai ensuite décidé de tenter l’aventure du sport-business en commençant chez Helios Partners, agence de marketing sportif du Groupe Amaury. Il y a deux ans, j’ai traversé la Manche pour rejoindre Two Circles. J’ai commencé en tant qu’analyste et je suis maintenant consultant, aidant mes clients à mieux comprendre leurs fans pour prendre les meilleures décisions commerciales. Voici quelques problématiques faisant partie de mes champs de compétences :
- Optimisation de la stratégie billetterie,
- Développement de l’offre Hospitalité,
- Redéfinition des packages et supports de vente sponsoring,
- Planification de l’impact d’un déménagement dans un nouveau stade
- Amélioration de la connaissance fan…
J’ai aujourd’hui la chance de collaborer avec plusieurs entités sportives dont, entre autres, Valencia CF, Fulham FC, FC Utrecht, la FEI (Fédération Equestre Internationale)…
Pouvez-vous nous présenter les activités de votre agence Two Circles ?
Two Circles est agence spécialiste du marketing sportif « data-driven » et digital, travaillant uniquement avec les détenteurs de droits. Notre rôle est de leur apporter une, ou en général plusieurs solutions contribuant à leur croissance. Une croissance que nous savons possible si ces organisations décident d’utiliser la connaissance de leurs clients/fans pour prendre des décisions commerciales. Ces décisions doivent être basées sur l’analyse des datas billetterie, participation, retail, réseaux sociaux ou cookies web…
Les thèmes travaillés avec nos clients vont de la proposition commerciale à l’optimisation de leur activité marketing. Nous proposons également des missions de conseil en solution CRM. Nous sommes également amenés à nous charger directement de l’implémentation de solution CRM auprès de nos clients.
Depuis mai 2015, Two Circles fait partie d’ESP Properties, une agence WPP. Notre QG est à Londres mais nous sommes aussi présents physiquement en Suisse et aux Etats-Unis. Nous enregistrons une croissance qui a peu d’équivalent dans le monde du sport. Je me rappelle qu’il y a un peu plus de 2 ans, quand je suis arrivé dans la structure, nous étions 25 collaborateurs et maintenant nous sommes plus de 70 !
On retrouve parmi les clients de l’agence les clubs de Valencia CF, Liverpool FC, Southampton FC, Wasps, Bath Rugby, la LTA (fédération Britannique de Tennis), les plus grandes fédérations internationales, des Ligues nationales…
En France, nous avons l’impression que les clubs sportifs ont cumulé un retard important concernant l’exploitation des données CRM. Est-ce également le cas sur les autres marchés européens ? Quelles sont les spécificités des problématiques CRM liées aux clubs sportifs ?
Il est vrai que si on compare le marché britannique avec le reste de l’Europe, on aperçoit une différence de maturité. Elle est due au fait que les clubs – et autres organisations sportives – britanniques ont eu une approche « Business » avant les autres marchés. Néanmoins, en France et dans les marchés voisins, des clubs ont suivi le mouvement et se rapprochent voire sont déjà au niveau des clubs anglais. Les clubs ont maintenant compris le besoin de devancer leurs concurrents directs en matière de génération de revenus.
Dans ce contexte, nous voyons de plus en plus d’organisations sportives prospectant de nouveaux modèles économiques adaptés à la croissance d’une entité sportive. Les mots « data » et « digital » reviennent fréquemment et les clubs veulent comprendre comment faire évoluer leur modèle en intégrant ces deux composantes. Mais, trop souvent, nous avons vu des organisations sportives investir massivement afin d’intégrer toutes leurs sources de datas dans des systèmes CRM complexes pour au final n’utiliser qu’une fraction de ses fonctionnalités, se retrouvant alors au volant d’une Ferrari sans les clefs…
Ainsi, nous accompagnons une multitude de clubs européens à développer de nouvelles sources de revenus en utilisant les systèmes qu’ils ont déjà mis en place. Lorsque nous allons rencontrer un club, une ligue ou une fédération, notre priorité est de comprendre quelle sera la solution adaptée au client. Chaque club possède de multiples sources de datas qui sont en général sous-utilisées. Notre but sera de déterminer les priorités du club et ensuite créer ou adapter la solution CRM pour qu’elle lui permette de répondre à ses besoins.
Lors de la mise en place d’une collaboration type avec un club sportif, préconisez-vous l’installation de vos propres outils CRM ou adaptez-vous votre méthodologie aux outils déjà mis en place par les clubs ?
Nous sommes neutres en termes de technologie, c’est-à-dire que nous allons prendre une approche pragmatique pour résoudre les problèmes qui freinent la croissance du client. Nous aidons le client à comprendre les causes du problème qu’il rencontre, puis nous allons soit le conseiller sur l’utilisation de leur outil technologique ou soit mettre en place un système sur-mesure avec les fournisseurs, répondant au cahier des charges spécifique du client.
De plus, nous faisons toujours en sorte de fournir un outil qui répond aux besoins du club sur le moment mais qui est aussi adapté à ses ambitions futures. Par exemple, lors d’une collaboration type, nous commençons souvent par utiliser les datas billetterie et abonnements parce qu’elles permettent aux clubs d’améliorer leur stratégie de pricing ou de campagnes d’abonnements. Ensuite nous nous intéressons aux datas email et web pour optimiser les contenus digitaux, les « customer journeys », implémenter des campagnes d’emails automatisées et des campagnes de publicité programmatiques. Puis nous pouvons ensuite utiliser la connaissance-client, les datas-web et les mesures d’exposition pour faire évoluer le packaging et l’évaluation des droits (par exemple en intégrant des droits numériques).
En moyenne, quelle progression de chiffre d’affaires parvenez-vous à obtenir lors de la mise en place d’une collaboration avec un club sportif ? Travaillez-vous sur tous les centres de profits ou seulement sur certains secteurs définis ?
Nous travaillons avec les datas, cela nous permet de mesurer directement l’impact des investissements de nos clients. Mais cet impact n’est pas toujours financier, les clubs cherchant dans certains cas à développer leur marque ou leur empreinte numérique. Ainsi, je ne peux pas communiquer de ROI moyen. En revanche, notre taux de rétention client est de 100% sur l’année 2015. C’est un bon moyen de mesurer la satisfaction de nos clients et notre engagement à les faire progresser sur la durée.
Ensuite, une des raisons de notre partenariat avec ESP Properties est que nous voulons aider nos clients dans l’optimisation de tous leurs centres de profits. Des revenus qui sont générés via les fans (billetterie, retail, VIP…), les marques (proposition partenariats) ou les medias. A travers le réseau WPP/GroupM nous donnons accès à nos clients à certaines des plateformes technologiques les plus avancées de l’industrie marketing.
Dernièrement, vous avez annoncé la mise en place de plusieurs collaborations en Premier League (Norwich) et au sein du championnat d’Eredivisie (FC Utrecht). Prospectez-vous également sur le marché français de la Ligue 1 ? Globalement, quelles sont les perspectives de développement de Two Circles ?
« Nous discutons déjà avec des acteurs du football français »
Notre nom et notre réputation se développent rapidement depuis un peu plus d’un an hors du Royaume-Uni. Nous discutons déjà avec des acteurs du football et plus généralement du sport français, et nous sommes ouverts à la discussion (moi le premier !) avec n’importe quel club voulant mettre la connaissance client au cœur de ses prises de décision. Nous sommes certains maintenant que notre méthode fonctionne quel que soit la taille ou le marché dans lequel le club se trouve.
L’ambition de Two Circles est de se développer à court-terme en Europe continentale – la France y étant au cœur- et aux Etats-Unis. Nous avons désormais des personnes en Suisse et à Londres nous permettant de travailler et d’avoir une relation de proximité avec tous les clubs, ligues et fédérations d’Europe.
Au cours des derniers exercices, la Ligue 1 n’est pas parvenue à accroître ses revenus de billetterie. La seule livraison des nouveaux stades suffira-t-elle à alimenter une croissance de ce centre de profits au sein du championnat français ?
La réponse sera oui… mais à court-terme. Le simple fait d’avoir de nouveaux stades et une compétition de l’envergure de l’EURO permettra d’observer une croissance des revenus en Ligue 1.
En revanche, pour maintenir cette croissance à long-terme, il est vital aujourd’hui de réfléchir au problème de fond qui est de rendre le football français attractif. Avoir des stades modernes, donnant envie aux fans de passer du temps en famille ou avec des amis avant et après le match est une étape primordiale, mais il faut ensuite arriver à fidéliser les fans, créer une expérience à laquelle ils voudront re-gouter, au travers d’un produit qui leur convient.
« La France a autour d’elle des modèles qui fonctionnent en Angleterre et en Allemagne »
La France a autour d’elle des modèles qui fonctionnent en Angleterre et en Allemagne. Toutefois, le public français possède ses propres spécificités. La France doit alors s’inspirer des modèles qui marchent chez ses voisins pour construire celui qui sera en adéquation avec son public. Il me semble que comprendre les fans et leurs attentes permettra de rendre le championnat et le football français plus attractif. Cependant, il est intéressant de noter que la Ligue a pris les devants et cherche à donner aux clubs de Ligue 1 et Ligue 2 des pistes pour améliorer leur stratégie billetterie.
Comprenez-vous les différents mouvements de protestation manifestés par les groupes de supporters de clubs de Premier League au cours des derniers mois ?
C’est un problème délicat car, en effet, assister à un match de sport a rarement été aussi cher qu’en Premier League. Mais, en même temps, on n’a jamais vu une ligue capable de proposer un tel spectacle avec de tels acteurs. Les clubs sont en compétition et pour cela ils vont rechercher à optimiser les revenus liés à un inventaire fixe, leur stade.
Certains clubs se retrouvent dans l’œil du cyclone après une modification des prix. Mais, en y regardant de plus près, ils cherchent juste à rationaliser les prix dans leur stade. Ils vont alors maintenir ou réduire le prix des zones les moins chères et augmenter le tarif des zones les plus demandées. Mais c’est ce dernier point qui est retenu par les medias.
Les clubs savent comment la Premier League est devenue si populaire, avec notamment des stades pleins et une ambiance unique. En étant simpliste, ces stades pleins et bruyants attirent les diffuseurs du monde entier, qui ensuite investissent massivement et permettent aux clubs anglais d’acheter les meilleurs joueurs et managers du monde. Les clubs et la Ligue sont conscients de ce facteur et ils maintiendront voire renforceront une politique tarifaire attractive à l’avenir pour que les fans des milieux populaires puissent toujours accéder aux matchs de leur équipe préférée. Les décideurs savent qu’ils sont à l’origine du succès mondial de la Premier League…
Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le site officiel de Two Circles : http://www.insidetwocircles.com/
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Source photos : © Two Circles