Alors que différentes versions ont été relayées dans les médias au sujet du transfert du jeune prodige rennais Ousmane Dembélé, la rédaction d’Ecofoot.fr a souhaité se pencher sur la légalité de l’introduction d’une clause libératoire au sein du contrat d’un joueur évoluant dans un club de football professionnel français. Pour nous éclairer à ce sujet, nous avons eu la chance de nous entretenir avec les avocats Me. Jean François Vilotte et Me. Rhadames Killy, associés au sein de la prestigieuse société d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés, et experts sur les questions de droit recouvrant le sport professionnel. Décryptage…
Dans de nombreux championnats européens (Liga BBVA, Liga Nos…), la présence d’une clause libératoire avec définition d’un montant permettant de l’activer est une pratique courante voire obligatoire. Pourquoi la LFP interdit-elle un tel procédé au sein du football professionnel français (art. 202 du règlement administratif de la LFP) ?
D’abord un rappel pour la bonne compréhension du sujet. Nous raisonnons le cas d’un contrat de joueur professionnel de football à durée déterminée. Le code du travail prescrit les règles de rupture avant terme du CDD. Mettre fin unilatéralement au CDD en dehors du cadre impératif précité est donc illicite et ouvre droit à des dommages et intérêts pour le joueur ou pour le club selon l’auteur de la rupture unilatérale.
Les articles concernés du code du travail sont d’ordre public. En d’autres termes on ne peut y déroger dans le contrat de travail en prévoyant des clauses de rupture anticipée.
La licéité d’une clause dans le contrat de travail prévoyant un cas de rupture unilatérale (clause résolutoire), non énuméré par le code du travail, et plus favorable au salarié, en considération de l’ordre public social relatif , est incertaine, hors l’hypothèse admise par la Cour de cassation quand cela est prévu par la convention collective applicable.
Si l’on veut enfin bien admettre la licéité d’une clause pénale (clause libératoire) fixant le montant des dommages et intérêts en cas de rupture anticipée unilatérale, le juge pourrait en toute hypothèse en réviser le montant par appréciation souveraine du préjudice subi ce qui lui ôte beaucoup d’intérêt, si ce n’est un effet de communication vis-à-vis du marché qui pourrait être obtenu différemment.
Est-il possible de contourner ce règlement imposé par la LFP via la réalisation d’un acte sous seing privé ? Et en quoi consiste exactement un tel acte ?
Il s’agirait d’une pratique consistant en la rédaction d’une convention entre le club et le joueur distincte du contrat soumis à homologation et prévoyant une clause libératoire. Naturellement une telle pratique contrevient au règlement de la ligue en tant que le contrat soumis à homologation est incomplet et qu’une clause importante est cachée aux services de cette dernière.
La signature d’une clause libératoire via un acte sous seing privé a-t-elle une valeur légale ? Est-elle contestable juridiquement par un joueur sous prétexte qu’elle n’est pas respectée par son club ?
Une stipulation contrevenant aux dispositions d’ordre public du code du travail serait nulle. Par ailleurs dans l’hypothèse d’une clause pénale licite, le juge peut réviser le montant de l’indemnisation du comportement fautif. En plus, au moment de sa découverte, le risque est celui d’une sanction par la ligue. On peut d’ailleurs s’interroger sur la nature frauduleuse et intentionnelle de la pratique qui ne vise qu’à contourner le règlement administratif de la ligue, règlement qui n’a pas fait l’objet d’une contestation contentieuse.
La LFP peut-elle prendre des dispositions à l’égard du club ou du joueur contournant son règlement via la signature d’un acte sous seing privé ?
Oui, comme cela vient d’être souligné c’est une dissimulation qui rend impossible l’homologation éclairée du contrat de travail. La convention ne peut être comprise que comme un élément du contrat de travail.
Le flou régnant autour d’un tel procédé nuit-il à la transparence du marché des transferts au sein du football professionnel français ?
Les contrats de travail doivent être homologués par la ligue. Il convient donc de les soumettre dans leur entièreté à son appréciation et si la décision de la ligue est contestée, il existe des voies de recours. Ce sont les procédés de contournement qui créent le flou qui n’existe pas autrement.
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